Marché public

 

Le guide pratique des achats innovant :

Afin de favoriser l’innovation dans la commande publique, le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique (NOR : ECOM1827790D) crée une expérimentation de trois ans permettant aux acheteurs de passer des marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence préalable pour leurs achats innovants d’un montant inférieur à 100.000 euros.

 

ESPACE COMMANDE PUBLIQUERubrique Conseils aux acheteurs et aux autorités concédantes / Fiches techniquesFICHEL’expérimentation « achats innovants » Afin de favoriser l’innovation dans la commande publique, le décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique (NOR : ECOM1827790D) crée une expérimentation de trois ans permettant aux acheteurs de passer des marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence préalable pour leurs achats innovants d’un montant inférieur à 100 000 €. 1.Quelles sont les conditions pour bénéficier de l’expérimentation ? Le texte ne pose que deux conditions pour passer un marché sans publicité ni mise en concurrence dans le cadre de l’expérimentation : l’achat doit être innovant et le montant du besoin doit être inférieur à 100 000 euros HT.Contrairement à ce que prévoit l'article L. 2172-3 du code de la commande publique pour recourir au partenariat d’innovation1, le dispositif ne subordonne pas le bénéfice de l’expérimentation à la condition que le besoin ne puisse être satisfait par l’acquisition de produits, services ou travaux déjà disponibles sur le marché. Il est ainsi possible de conclure un marché de gré à gré avec une entreprise pour l’acquisition d’une solution innovante alors même qu’une solution non-innovante pourrait répondre au besoin ou que plusieurs opérateurs économiques pourraient proposer des solutions innovantes alternatives. Cette situation est d’ailleurs expressément envisagée par le second alinéa de l’article 1er qui demande à l’acheteur, en cas de pluralité d’offres susceptibles de répondre à son besoin, de ne pas contracter systématiquement avec la même entreprise.1.1.Un achat innovantLa définition de l’achat innovant figure au 2° de l'article R. 2124-3 du code de la commande publique2, qui permet de recourir à la procédure négociée ou au dialogue compétitif lorsque le besoin consiste en une solution innovante : sont innovants les « travaux, fournitures ou services nouveaux ou sensiblement améliorés ». Il est précisé que « le caractère innovant peut consister dans la mise en œuvre de nouveaux procédés de production ou de construction, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l’entreprise ». Il peut donc s’agir non seulement d’une innovation technologique de produit ou de procédé mais aussi d’une innovation d’organisation ou de commercialisation liée, par exemple, à la numérisation ou à l’interconnexion. La solution peut être déjà disponible sur le marché. En revanche, la production d’un produit personnalisé dont les caractéristiques ne diffèrent pas sensiblement de ceux des produits déjà fabriqués ne constituent pas une innovation3. 1 Ancien article 93 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016.2 Ancien 2° de II de l'article 25 du décret de 2016.3 Sur les différentes catégories d’innovation, voir notamment : OCDE, Manuel d'Oslo, Principes directeurs pour le recueil et l'interprétation des données sur l'innovation, 3e édition, 2005. Mise à jour le 19/03/2019. 1/3
ESPACE COMMANDE PUBLIQUERubrique Conseils aux acheteurs et aux autorités concédantes / Fiches techniquesLa définition de l’achat innovant reste relativement large pour laisser une certaine souplesse d’appréciation aux acheteurs, notamment au regard du secteur concerné. Elle sera prochainement éclairée par un faisceau d’indices qui sera proposé dans le nouveau Guide pratique de l’achat public innovant de la DAJ (parution prévisionnelle en mai 2019). Pour s’assurer du caractère innovant de son achat, l’acheteur peut collecter des informations sur le secteur d’activité concerné : état de l’art et de la concurrence, brevets, normes... Le sourcing constitue un outil à privilégier à cette fin.Il ne s’agit pas pour autant de réaliser une étude de marché exhaustive dont les délais de réalisation obéreraient l’efficacité de l’expérimentation et conduiraient les acheteurs à préférer une mise en concurrence préalable.En cas de contentieux, le caractère dérogatoire d’un dispositif implique, en principe, que le juge exerce un contrôle normal sur les conditions de son utilisation. Toutefois, l’acheteur n’est pas dépourvu de toute marge d’appréciation quant au caractère innovant de son achat, notamment lorsqu’il s’agit d’améliorer une solution existante. Cette circonstance devrait conduire le juge à rechercher un équilibre entre cette marge d’appréciation et le souci de garantir une certaine effectivité des procédures de passation des marchés. Ainsi, à l’image du contrôle exercé sur les décisions de ne pas allotir un marché4, le juge devrait-il se limiter à vérifier que l’analyse à laquelle l’acheteur a procédé et les arguments qu’il fournit sont suffisants pour justifier son appréciation sans aller jusqu’à lui substituer la sienne, procédant ainsi à un contrôle intermédiaire entre le contrôle normal et le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation.1.2.Un besoin de moins de 100 000 euros HTL’évaluation du montant du besoin s’effectue dans les mêmes conditions que pour tout achat, dans le respect des dispositions des articles R. 2121-1 et suivants du code de la commande publique, au regard des notions d'opération et de prestations homogènes5. Ainsi, si rien n’empêche l’acheteur de passer plusieurs marchés pour acquérir des solutions innovantes différentes destinées à satisfaire à un même besoin, le montant cumulé de ces marchés ne doit pas excéder le seuil de 100 000 euros. 2.A quelles obligations l’acheteur est-il soumis ? Si l’acheteur décide de bénéficier de l’expérimentation « achat innovant », le décret pose deux obligations.2.1.Un achat « en bon gestionnaire » Comme pour les marchés inférieurs à 25 000 euros, trois recommandations permettent de garantir que l’acheteur a effectué son achat « en bon gestionnaire » : Il doit veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. Afin de pouvoir justifier, en cas de contentieux, que son marché n’a pas été conclu en méconnaissance de ces principes, il est conseillé à l’acheteur de conserver une trace des éléments ayant motivé sa décision, notamment les démarches préalables effectuées afin d’apprécier le caractère innovant de son achat. 2.2.Une déclaration auprès de l’OECPPour mesurer l’intérêt de la mesure, l’article 2 du décret impose à l’acheteur de déclarer ses achats innovants auprès de l’Observatoire économique de la commande publique. Il ne s’agit évidemment pas pour cette instance, en charge du recensement et de l’analyse économique des contrats de la commande publique, de vérifier la régularité de la décision de passer un marché sans publicité ni mise en concurrence, mais de permettre au ministre de l’économie de suivre et 4 CE, 16 juin 2015, Ville de Paris, n° 389682. 5 Ancien article 21 du décret de 2016.Mise à jour le 19/03/2019. 2/3
 

ESPACE COMMANDE PUBLIQUERubrique Conseils aux acheteurs et aux autorités concédantes / Fiches techniquesd’évaluer le dispositif et, conformément à l’article 3 du décret, de présenter un rapport au Premier ministre dans les six mois qui précèdent la fin de l’expérimentation. L'arrêté du 26 décembre 2018 pris en application de ces dispositions (NOR : ECOM1827804A) précise que cette obligation ne s’applique que pour les achats de plus de 25 000 € HT. Il suffit alors d’apposer la mention « procédure expérimentale innovation » dans la rubrique « Commentaire » de la fiche de recensement économique de l’achat public prévue par l’arrêté du 21 juillet 20116.